Sa famille en Inde

Pour évoquer la famille de Claire en Inde, on ne sait par où commencer tellement elle est vaste et diverse : collègues de travail avec lesquels elle a développé des relations d’amitié, ceux qui l’entouraient dans son quotidien lorsqu’elle était à Polambakkam, sa famille d’adoption, mais aussi des ami(e)s qu’elle aimait rencontrer régu­liè­rement pour partager ses diffi­cultés et ses joies, mais aussi pour béné­ficier de leur expé­rience et de leurs conseils. Nous ne mettons bien sûr aucune préséance dans l’ordre dans lequel nous évoquons ces “membres de sa famille”, chacun à leur façon a été important aux yeux de Claire. Et surtout, que ceux/celles qui ne figurent pas encore sur cette page nous pardonnent — nous n’étions pas auprès de Claire en perma­nence — et nous aident à réparer ces oublis.

Commençons par celle déjà évoquée dans sa famille AFI : Nalini Nayak. Comme Claire, elle avait 18 ans lorsqu’elle a rejoint l’équipe AFI qui travaillait à Marianad (Kerala), “bien décidée que je voulais consacrer ma vie pour témoigner du Christ parmi les pauvres. Au sein du mouvement étudiant, nous étions régu­liè­rement inter­pellés quant à notre respon­sa­bilité vis-à-vis des moins privi­légiés et pour créer une Inde vraiment libre après l’indépendance.” Née à Bangalore, Nalini fit des études en sciences sociales. Elle participa acti­vement au mouvement des pêcheurs arti­sanaux, au Kerala et ensuite au niveau inter­na­tional, et elle travaille toujours au sein de SEWA (Self Employed Women Association), un syndicat qui regroupe des femmes qui travaillent comme “indé­pen­dantes” (travail domes­tique, artisanat, pêcheries, vannerie, etc.). Nalini prit un enga­gement tempo­raire de quelques années au sein des AFI, mais par la suite elle ne renouvela pas son adhésion tout en pour­suivant son travail avec certaines AFI et elle garda avec toutes les AFI de l’Inde des relations amicales. Claire aimait passer quelques jours dans sa maison de Trivandrum et Nalini fut sa confi­dente dans toutes ses diffi­cultés, y compris au moment de décider de son retour en Belgique.

Témoignage de Nalini

Les Petits Frères de Jésus (de Charles de Foucauld) ont également été proches de Claire. Michael, Arul et Shanti (les deux premiers Français, le 3e Belge) avaient travaillé parmi les Tamouls du Sri Lanka, et comme ils connais­saient la langue ils souhai­taient s’insérer au Tamil Nadu. Les visas de travail étaient très diffi­ciles à obtenir pour des étrangers à cette époque, mais le travail pour la lèpre pouvait être une porte d’entrée (comme ce fut le cas pour Francine et Jacques). Grâce au Prof. T.N. Jagadisan (+) — un professeur d’université qui avait contracté la lèpre, et un grand ami de Claire aussi — les Petits Frères furent engagés comme travailleurs para­mé­dicaux à Malavanthangal, un autre centre de contrôle de la lèpre dans la région. Ils suivirent leur formation à Polambakkam (1964) et s’installèrent à Alampoondi, un petit village près de Thiruvanamalai. En plus de leur travail atten­tionné pour les lépreux de leur zone, ils ont petit à petit développé toute une série d’activités avec les villa­geois : centre pour handi­capés, coopé­rative de tisse­rands, médecine des plantes, etc. Arul a dû rentrer en France pour raisons de santé, tandis que Michael et Shanti ont, depuis longtemps, acquis la natio­nalité indienne et, aujourd’hui retraités, ils vivent à Bangalore pour l’un et à Vellore pour le second. La maison d’Alampoondi a accueilli, pendant des années, de nombreux visiteurs étrangers désireux de mieux connaître la vie des villages. Claire aimait partager la prière des Petits Frères dans leur chapelle, et considéra jusqu’au bout Michael et Shanti comme des confi­dents privilégiés.

Réflexions de Michael

Le Dr. Hemerijckx avait transmis son amour de l’Inde à l’un de ses fils, Piet, qui avait rejoint les Jésuites et souhaitait travailler avec les Jésuites belges qui tenaient au Bihar plusieurs collèges de grande répu­tation. Il se vit évidemment refuser son visa, mais le docteur — alors consultant OMS auprès du gouver­nement indien — écrivit en substance : “Vous souhaitez que le père travaille avec vous mais vous refusez le fils, de quoi aurais-je l’air dans mon pays ?” …et le visa fut accordé ! (1964) Piet fut rapi­dement à l’étroit dans l’environnement jésuite, il quitta la congré­gation, et s’installa dans des quartiers pauvres, tout en pour­suivant l’étude de l’Hindi, du Sanskrit et des textes religieux. Il travailla avec diffé­rents instituts indiens pour publier des traduc­tions de plusieurs livres religieux, convaincu que les religions pouvaient être “un pont” pour que les croyants de toutes les religions puissent se rencontrer et vivre en harmonie. Lorsqu’il obtint la natio­nalité indienne, il prit le nom de Shilanand Hemraj, il se maria un peu plus tard avec Kavari, une jeune femme de Bangalore, où ils vivent actuel­lement, tous deux engagés dans des projets sociaux. Il consi­dérait Claire comme sa “grande soeur” et venait régu­liè­rement lui rendre visite à Polambakkam. Sudeepta, la fille d’Hemraj et Kavari, fit beaucoup d’effort pour étudier la médecine “pour suivre l’exemple de ‘Tante Claire’ !”

Hommage affec­tueux au Dr. Claire Vellut

Les amis de Polambakkam

Lorsque Claire obtint la natio­nalité indienne (1979), c’était un souhait longtemps attendu pour “se sentir indienne parmi les Indiens” et pouvoir vivre en Inde jusqu’à la fin de ses jours. Des liens amicaux s’étaient déve­loppés avec la famille de Leo Alex, un de ses colla­bo­ra­teurs — il super­visait les travailleurs para­mé­dicaux postés dans la région de Polambakkam et il aidait souvent Claire dans les problèmes qui pouvaient survenir avec le personnel du Centre. Une des filles, Isha, avait séjourné chez Francine et Jacques avec l’espoir de faire des études en Belgique. Avec Clara (+) et Alex (+), et leurs 7 enfants, Claire s’imaginait qu’ils pour­raient vivre ensemble dans leur vieillesse, et en 1980 ils ache­tèrent ensemble une maison à Chingleput. Alex décéda malheu­reu­sement en 1992, mais Chingleput resta “la maison” de Claire jusqu’à ce que Clara décède également en 2008. Les 7 enfants de Clara et Alex sont restés très attachés à leur “tantine”, et Claire continua à parti­ciper aux joies et aux fêtes fami­liales, notamment lorsqu’elle séjournait chez Asha, à Madras.

Les colla­bo­ra­teurs médicaux de Claire furent nombreux, d’abord à Polambakkam pendant 25 ans — lorsque nous regar­dions avec Claire les photos de groupe des visites royales, nous parve­nions encore à citer tous leurs noms ! -, et ensuite comme “secré­taire de la Fondation Damien” ou lors de la création de nouveaux projets dans le Nord. Tous ceux-là ne nous en voudront pas d’en citer quelques uns en particulier.

P. Antony, un des physio­thé­ra­peutes, qui fut aussi de la première heure du temps de Hemerijckx. Très qualifié dans son travail, Antony avait eu l’occasion de se spécia­liser au Canada, mais il préféra pour­suivre son travail “sur le terrain” avec les malades de la lèpre. Son épouse Bala (+) travaillait au Centre comme infir­mière, et au moment de leur pension, ils s’installèrent à Pondicherry où leur maison devint aussi un pied à terre amical lorsque Claire venait y passer quelques moments de repos.

Sadagopan (+) était le directeur admi­nis­tratif du Centre. Atteint de la lèpre, il avait gardé des séquelles aux pieds et aux mains, mais cela ne l’empêchait nullement de démêler les arcanes des règles admi­nis­tra­tives du gouver­nement et d’établir les comptes selon les prescrits tatillons de la Trésorerie d’Etat. Claire avait entiè­rement confiance en lui. A sa retraite, il s’installa non loin de Polambakkam, avec son épouse Kokila - qui était insti­tu­trice à l’école du village, et maîtrisait magni­fi­quement le chant classique indien. Claire aimait leur rendre visite. Depuis le décès de Sadagopan, Claire maintint les mêmes relations d’amitié avec Kokila et les enfants qui la consi­dèrent toujours “de leur famille”.

Lettre de Sadagopan (en 1989)

Arul (+), bien connu de tous les visiteurs de Polambakkam puisqu’il s’occupait de la cuisine ! Capable d’adapter la cuisine indienne aux estomacs parfois fragiles des européens, le tout dans la simplicité de ce qu’on trouvait loca­lement, il fut atten­tionné auprès de Claire pendant plus de 40 ans (?). Lorsque lui aussi disparut avant Claire, son épouse Saleth Mary et sa belle-fille conti­nuèrent fidè­lement à veiller aux repas de Claire lorsqu’elle était à Polambakkam.

V. Vedadri fut pendant de longues années le respon­sable d’Anandapuram, le home pour lépreux handi­capés à 500m du Centre. Il fut un des derniers du personnel du début à rester à Polambakkam jusqu’au départ de Claire. Dans les dernières années, chaque fois qu’elle le pouvait, Claire aimait passer des moments de calme à Anandapuram, à s’occuper des multiples bobos des patients, et Vedadri devint donc le “compagnon quotidien” de Claire, en plus d’être déjà son “homme à tout faire” pour résoudre tous les petits problèmes pratiques auxquels Claire était confrontée.

Une Belge qui est devenue Indienne

Cathy Pouchpadass, médecin franco-indienne, qui collabora avec Claire surtout au moment des études théra­peu­tiques de l’OMS à Polambakkam. Elle s’est réins­tallée en France mais gardait des contacts étroits avec Claire.

Cathy se souvient

Last but not least, il nous faudrait citer tous les médecins et autres colla­bo­ra­teurs au sein de la Damien Foundation India (mais dont certains nous sont moins connus). Sachant que nous ne pourrions être exhaustifs, nous nous permet­trons cependant de citer les Dr. Kandaswamy (+), Bakhta Reddy, Krisnamurthy, Shivakumar (qui était aux funé­railles pour les repré­senter tous), Anne Mattam (la seule femme médecin ! dans le Nord), …et tous les autres. Parmi le personnel admi­nis­tratif, Pamela Rao — qui a commencé comme secré­taire admi­nis­trative au bureau de Madras — mérite évidemment une mention spéciale, puisqu’elle est venue étudier en Belgique, qu’elle s’y est mariée et était de ce fait plus proche de la famille Vellut.

Vivant à Polambakkam, mais sans aucun lien profes­sionnel, nous voulons mentionner Mr Muttumalla Reddiar (+) et sa famille. Important proprié­taire terrien du village, c’est lui qui avait offert les terrains sur lesquels ont été construits le Centre et les maisons du personnel. Il fut un soutien moral important pour Claire et, avec son épouse, ils furent des hôtes remar­quables pour les amis de Claire ou lorsqu’elle recevait des person­na­lités de marque. Et aujourd’hui ce sont ses enfants qui conti­nuent la même tradition.

Dans les années où elle était “pensionnée” et passait plus de temps à Polambakkam, Claire s’est beaucoup inté­ressée au travail du Père John Suresh. En plus d’être le curé de sa paroisse, le Père Suresh s’occupait notamment d’un grand établis­sement d’enseignement (primaire, secon­daire, technique) à Neerpair, à quelques kilo­mètres de là, dont la grosse majorité des élèves était des dalits (intou­chables). Et Claire était bien consciente que le meilleur moyen pour ces jeunes de sortir de leur condition d’ “exclus”, c’était d’acquérir une bonne éducation. Elle avait d’ailleurs invité ses ami(e)s à soutenir finan­ciè­rement les activités du Père Suresh.

Hommage du Père Suresh

Les amis en dehors de Polambakkam

Bien avant de quitter Polambakkam (1980) et d’élargir ses respon­sa­bi­lités médicales à d’autres centres de lèpre, Claire avait développé une amitié parti­cu­lière avec deux autres respon­sables de projets. Le Dr Yvette Tiphagne (+ 1999) s’occupait d’un centre pour lépreux à Arisipalayam (Salem). Arrivée de France avant la dernière guerre, elle n’était plus rentrée dans son pays depuis et elle avait adopté — au fil des années — 6 enfants orphelins de diffé­rentes familles indiennes. Si Yvette et Caire s’étaient rencon­trées pour échanger leurs expé­riences profes­sion­nelles dans le domaine de la lèpre, leurs relations se déve­lop­pèrent bien au-delà. Bien qu’elle n’appartienne pas aux AFI, Yvette aimait parti­ciper aux rencontres et retraites orga­nisées par les AFI, auxquelles ses enfants l’accompagnaient parfois. Ainsi, l’un de ses fils, Henri, aujourd’hui engagé dans une asso­ciation de défense des droits de l’homme, se souvient.

Témoignage de Henri Tiphagne

Alors que le Centre de Polambakkam recevait régu­liè­rement des demandes pour élargir son activité vers de nouveaux villages, un arran­gement avec les Soeurs des Missions Etrangères de Pondicherry permit de démarrer un nouveau service à Rawtakuppam, dans une région contigüe à la zone d’action de Polambakkam. C’est la Sr Marie-Regina (+) qui en assura la respon­sa­bilité pendant de longues années (elle décéda à l’âge de 102 ans!), tout le personnel fut formé à Polambakkam et Claire venait régu­liè­rement épauler l’équipe à Rawtakuppam, qui prit d’ailleurs par après la déno­mi­nation de “Hemerijckx Rural Centre”.

Est-il besoin de rappeler que nous aussi, Jacques et Francine, nous avons collaboré avec toutes ces personnes, nous avons partagé bien des soucis et des joies, et elles font aussi partie de “notre famille de l’Inde” aujourd’hui.

Par contre, nous voulons citer quelques personnes que nous n’avons pas ou peu connues, mais dont nous savons qu’elles étaient chères au coeur de Claire qui essayait de les revoir chaque fois qu’elle le pouvait.

Alina Cattani (+) et Hildegard Sina (+), toutes deux AFI, toutes deux médecins, l’une Italienne, l’autre Allemande. Elles avaient créé et travaillaient toutes deux au petit hôpital de Mitraniketan, dans les montagnes du Kerala, au profit des travailleurs des plan­ta­tions de thé. L’hôpital est situé à proximité de l’Ashram de Kurusimala, un monastère cistercien de rite catho­lique Syro-Malankar fondé par un cousin de Claire, le Père Francis Mahieu (de Scourmont) connu comme Francis Acharya, et où Claire est allée plusieurs fois pour des moments de prières et de recueillement.

Christine de Severy, une labo­rantine qui vivait à Kumbakonam, Suisse d’origine;

Sr Muriel, de Mogapair (Chennai), avec laquelle Claire avait essayé d’approcher les médecines alternatives.

Nous souhaitons terminer l’évocation de cette grande “famille indienne” par deux personnes qui ne sont pas indiennes et ne vivent pas en Inde, même si c’est leurs visites à Polambakkam qui ont fait naître l’amitié entre elles et Claire.

Denis von der Weid, docteur en droit de natio­nalité suisse. Denis rencontra Claire à Polambakkam au début des années 70, alors qu’il travaillait avec des ONG de défense des droits de l’homme dans la région, ce qui lui donna l’occasion de revenir régu­liè­rement par après. Claire appré­ciait beaucoup les infor­ma­tions et les analyses socio­po­li­tiques que lui apportait Denis sur les problèmes des “exclus” en Inde et ailleurs dans le monde. Et “l’accueil de Claire a toujours été un bonheur dont les semences portent leurs fruits aujourd’hui” (voir dans le Livre d’or).

Et la toute dernière personne que nous citerons sera Marie-Jo Colibeau. Ostéopathe, habitant en France, elle rencontra Claire également à Polambakkam. Claire qui n’avait jamais été malade avant 2008, lui faisait une confiance totale pour soigner par des méthodes alter­na­tives, à la fois son corps et son esprit, et quand Claire rentrait en Europe, elle se faisait un devoir de passer quelques jours chez elle. Qu’elle soit remerciée pour tous les soins prodigués à Claire.